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PEAU-D’ÂNE.

Verser d’en haut, dans son âme calmée,
Une paix grave, un émoi solennel ;
Et, s’asseyant sur le balcon de pierre,
Sa voix bientôt vers la chaste lumière
Laissa monter un bonsoir fraternel.

« Lune, ma blanche sœur, sur ton lit de nuage,
» On dirait, à te voir, le pâle et doux visage
» D’une jeune accouchée au regard abattu :
» Comme elle aussi, paisible et belle sous tes voiles,
» Seule, entre tes rideaux d’azur brodés d’étoiles,
 » Ô lune ! que fais-tu ?

» — Je ne suis point au ciel oisive et solitaire ;
» Je marche de concert avec ma sœur la terre,
» Dans le céleste chœur nous nous donnons la main ;
» Attachée à son sort par les lois éternelles,
» J’égaie, en la suivant, de clartés fraternelles,
 » Son nocturne chemin.

» Je murmure à la mer une langue cachée,
» Et, pour m’écouter mieux, la mer s’est approchée ;
» Puis bientôt, flot à flot, se retire en tremblant :
» De sa sultane ainsi l’esclave orientale
» Vient chercher à genoux la volonté fatale,
 » Puis recule à pas lents.

» Lune, ma blanche sœur, tout dort dans les campagnes,
» Tout dort dans les forêts, aux champs, sur les montagnes
» Vois-tu pas le sommeil envahir nos cités,