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LAFAYETTE.

Chacun, sans borne et sans mystère,
Bâtit son rêve ambitieux :
« — Comme Cuvier : à moi la Terre !
— Comme Laplace : à moi les Cieux ! »
Le vertige qui les tourmente,
Dans leur âme caché, fermente,
Ou s’aigrit d’un stérile effort,
Et leur orgueil malade envie
À Goethe ses chants et sa vie,
À Byron ses chants et sa mort !

Mais si le Créateur, dans leur être fragile,
S’est montré ménager de la sublime argile,
Que de songes déçus ! que d’amers désespoirs !
Pas un pied qui vous suive, une voix qui vous nomme,
Et le dédain vous prend de n’être qu’honnête homme
Devant tant d’immenses pouvoirs !

Alors, sur leur main désarmée,
Ils baissent des yeux affligés,
Et devant la lice fermée,
Croisent leurs bras découragés !
Déchus d’une illustre fatigue,
Il n’est plus que l’or, ou l’intrigue
Pour effacer ce souvenir :
La jeune âme qui s’en dépouille,
Embrasse un présent qu’elle souille,
En désespoir de l’avenir.

Regardez, regardez ce cortège civique,
Et tel qu’un mort royal l’espérerait en vain,