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DANTE.

» Comme un étau de fer sa main serrait mon bras ;
» Mes genoux fléchissaient, ma vue était troublée ;
» Mais nous marchions toujours, et je pleurais tout bas.

» La moisson, par le vent doucement ondulée,
» Se mouvait, imitant mon sein gros de soupirs ;
» Car à l’égal du corps, l’âme était accablée.

» Là m’attendaient les pleurs et les longs repentirs,
» Et j’en bénis le Ciel, puisque ayant l’existence
» Des réprouvés, ma mort fut celle des martyrs !

» De mon maître offensé j’attendais la sentence
» Cherchant à l’implorer, mais sans jamais l’oser :
» J’étais comme un bandit promis à la potence :

» À parler de son crime il craint de s’exposer ;
» Il en pourrait trahir quelqu’autre qu’on ignore,
» Et ne se défend pas de peur de s’accuser.

» Or, nous étions aux jours où le vent qui dévore
» Souffle sur la Maremme une infecte vapeur ;
» De ses âcres baisers la mort allait éclore.

» Déjà nous avait fui le dernier serviteur ;
» Et si mes mains priaient, si mes yeux disaient : grâce !
» D’impitoyables yeux disaient : non !… J’avais peur !

» Et le jour cependant après le jour s’efface,
» Et mon corps se flétrit et s’affaisse, incliné
» Au gré du vent mortel, qui le brûle ou le glace.