Quand une eau qu’il entend, mais ne voit pas encore,
Fait vibrer les parois sous sa goutte sonore.
Opposez les accords de cette forte main,
Ce mode vigoureux, mi-toscan, mi-romain,
Cette brève cadence, avec tant d’art pressée,
Que ce qu’elle ôte aux mots s’ajoute à la pensée,
À l’inhabile main qui touche mollement
D’un sol déshérité l’imparfait instrument :
« Ah ! dit l’esprit en pleurs, si tu reviens au monde
» Quelque jour, reposé de cet âpre chemin,
» Ressouviens-toi de moi, qui suis Pia, la blonde !
» Sienne vit ma naissance, et Maremme ma fin,
» Celui-là seul le sait, qui devenant mon maître,
» De l’anneau de brillans avait paré ma main.
» De me voir en ces lieux tu t’étonnes peut-être ?
» L’éternelle douleur n’était pas trop pour moi ;
» Oui, mon péché fut grand, mais j’ai su le connaître :
» Qui le voit et le hait observe encor la loi ;
» Tu le sais ! j’ai du Ciel satisfait la justice ;
» J’ai souffert ! j’ai subi douleur, remords, effroi ;
» J’ai vu venir la mort par un si lent supplice,
» Qu’au prix, grâce à l’espoir, ceux-ci me semblent doux,
» Écoute, et que ton âme à mes maux compatisse.