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MIGRATIONS.

Tout part ! Ici s’endort au giron de l’aïeule
Le vagissant maillot ;
Là, l’enfance, ô pitié ! s’en va, pleurante et seule,
Se confier au flot !

Hélas ! la pauvre mère au bruit de l’incendie
Dans la nuit allumé,
Jette au loin quelquefois, par la peur enhardie,
Un berceau bien-aimé !

Ainsi sont rejetés ces fils de la misère
De ce sol inhumain,
Où depuis trop long-temps la peine est sans salaire
Et le travail sans pain !

Le navire pressant toutes ces têtes blondes
Entre ses flancs obscurs,
Semble, après la récolte, entraîné par les ondes,
Un panier de fruits mûrs !

Partez ! Un jeune monde avec eux vous réclame,
Vous, qui gardez comme eux
En des corps fatigués quelque jeunesse d’âme,
Quelques rêves heureux !

Mais lorsqu’on a perdu le plus beau d’une vie
Effeuillée à demi,
Qu’à nos labeurs sans fruits l’espérance est ravie,
Qu’on ne fait plus d’amis ;