Page:Tastu - Poésies complètes - 1858.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

Humilier les saintes bandelettes
Sans adoucir ton superbe courroux.
Juge inflexible, un juge plus sévère
Saura partout t’atteindre et te punir :
Romain cruel, tu m’as ravi mon père,
Mais ta rigueur ne peut nous désunir.
Je reconnais son ombre glorieuse,
Qui, chez les morts, de loin me tend les bras…
Hâte ta marche, heure silencieuse,
Heure sacrée, heure de mon trépas !

Quelle voix sombre incessamment m’appelle ?
Je vois déjà la fatale nacelle ;
Elle s’avance… Adieu, temple sacré,
Portiques saints, autels où j’ai pleuré,
Parés des fleurs par mes mains moissonnées,
Et que mes yeux ne verront point fanées !
Monts escarpés, rochers, flambeaux des cieux,
Et vous, échos, recevez mes adieux !
Ne pleurez point, ô mes jeunes compagnes,
En confiant ma tombe à ces montagnes.
Je touche au port, et ma mourante main
Suspend aux murs du sacré sanctuaire
Ces saints bandeaux, ce vêtement de lin,
Derniers tributs d’un voyage éphémère.
Quel froid mortel !… quelles ombres ! La nuit
Autour de moi se glace et s’épaissit…
Ce vent léger que mon front sent à peine…
Aube riante, est-ce ta fraîche haleine ?
Du jour naissant tu devances les pas ;
Il va briller… je ne le verrai pas.
Je sens déjà ton aile ténébreuse,
C’est toi… salut, heure silencieuse,
Heure sacrée, heure de mon trépas !… »

Est-ce encor Julia qui doucement soupire ?