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Tous ont serré les rangs, et marchent de concert,
Comme la caravane au milieu du désert ;
Pressé par le besoin, poursuivi par l’orage,
Chacun tient l’œil fixé sur le but du voyage,
Et, d’un instant perdu connaissant la valeur,
Craindrait de se baisser pour cueillir une fleur.
Aussi ma barque part avec peu d’assurance,
Et, de peur de sombrer, s’allégeant d’espérance,
Demande, en commençant son fugitif sillon,
Comment on saluera son léger pavillon.
Je l’ignore, et je crains ! Il est des sympathies
Qui, muettes un jour, cessent d’être senties,
Et tel, par qui jadis ces chants étaient fêtés,
À peine s’avouera qu’il les ait écoutés !

Avez-vous souvenir, à l’âge où tout enchante,
D’une voix qui vous plut, voix timide et touchante,
Qui, pleine d’harmonie et de séductions,
Répondit la première à vos émotions ?
Que, plus tard, cette voix résonne à votre oreille,
De vos rêves déçus vous raillez la merveille,
Vous prenant en pitié d’avoir si mal jugé…
Elle est la même encor, mais vous avez changé !