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Et le repos même nous fuit.
Mais à peine un malheur menace,
On t’invoque, ta main efface
Le soudain effroi qu’il produit ;
Nous n’osons regarder l’abîme ;
Ainsi qu’une lâche victime
Pâlit à l’aspect du bourreau,
Et dans la liqueur enivrante
Offerte à sa lèvre mourante
Boit l’oubli du fatal couteau.
Trop long-temps tu m’as abusée ;
De l’espoir d’une route aisée
Tu flattas mon naissant orgueil,
Et ma barque aux flots exposée
Toujours a rencontré l’écueil.
Fuis donc, perfide enchanteresse,
Fuis, et ne crois plus m’égarer :
Je puis braver ta folle ivresse,
Non, je ne veux plus espérer !
Doux chants, mélodieux délire,
Charme secret de mes beaux ans,
C’est méconnaître votre empire,
Hélas ! qu’attirer sur la lyre
Le regard distrait des passants.
De votre douceur solitaire
Pourquoi révéler le mystère ?
Ou, sur la foi de l’avenir,
Dédaigner les biens qu’elle donne,
Pour cette inutile couronne
Que je ne puis même obtenir ?
Ainsi chaque riante image
S’évanouit comme un nuage
Au premier caprice des vents ;
Sur un océan sans rivage,
Mes yeux en vain cherchent la plage
Où s’arrêtent les flots mouvants ;
Le temps de ses ailes rapides