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Les gazons, la chapelle ; et sa voix gémissante
S’exhalait dans les airs.
 
Le souffle du midi, le bruit lointain des ondes,
Se mêlaient tour à tour à ses tristes accents ;
Et le pasteur, guidant ses chèvres vagabondes,
A retenu ces chants :

« Le bonheur fuit les pas de l’humble voyageuse ;
L’image de mon sort me suit dans ces déserts.
Mes jours sont agités, ma vie est orageuse,
Comme ces flots amers !

« Sur mes traits abattus, où la douleur est peinte,
De l’âge qui me luit on cherche en vain la fleur ;
Et mon front jeune encor porte déjà l’empreinte
Que laisse un long malheur !

« Vous, arbres, dont l’abri me couvre et m’environne,
Vous semblez partager le deuil de mes beaux ans,
Et l’automne à vos pieds effeuille la couronne,
Don fleuri du printemps.

« Vous pleurerez bientôt votre beauté ravie.
De son souffle glacé l’hiver va la flétrir :
Comme le noir chagrin qui dépouille la vie
Et ne fait pas mourir.

« Les pieux habitans de ce lieu solitaire,
Loin d’un monde trompeur, ignorent tous ses maux ;
Et, simples voyageurs, ils ne font sur la terre
Qu’attendre leurs tombeaux.
 
 « Laissant tous les mortels, heureux ou misérables,
S’occuper vainement d’un douteux avenir,
Ils savent que leurs jours sont désormais semblables
Au jour qui va finir.