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Faix ! ma tête s’égare. Et toi, bruyant orage,
Poursuis, je ne crains rien de ton aveugle rage !
Les Dieux te sauront bien montrer leurs ennemis,
Et chercher dans l’oubli les forfaits endormis. .
Cache-toi, main sanglante ; et vous, lèvres parjures,
Tremblez ! Crime impuni, lave bien tes souillures !
Scélérat qui, suivant de ténébreux chemins,
As dressé sous des fleurs tes pièges inhumains,
Brise-toi de terreur ! Vous, inceste, adultère,
Couvrez vos traits hideux des voiles du mystère ;
Fuyez, dérobez-vous au courroux éternel,
Ou, forcés de répondre à ce terrible appel,
Essayez de fléchir sa justice implacable !…
Mais moi, je suis victime, hélas ! et non coupable !

KENT.
Une cabane est là, seigneur ! son toit léger
Vous prêtera du moins un abri passager.
Moi, d’un logis voisin repoussé tout à l’heure,
Je tais tenter encor cette avare demeure.

LÉAR.
Oui, ma raison revient, je vous connais… C’est toi,
Mon pauvre fou ! j’ai froid ; as-tu froid comme moi ?
Mon corps s’est épuisé dans cette horrible lutte.
Allons, conduisez-nous. Où donc est cette hutte ?
Montrez-moi cette paille, ami, ce pauvre seuil
Qu’aurait sans doute hier dédaigné mon orgueil,
Tant la nécessité sous sa verge nous plie !
Pauvre fou ! ne crois pas que ton maître t’oublie ;
Viens ; ce cœur insensible à des malheurs nouveaux,
Sait plaindre encor ta peine et souffrir de tes maux.

LE FOU, chantant.
Ici-bas le vrai sage
De loin prévoit l’orage,
Ou, paisible et content,
Le reçoit en chantant ;
Prend sans plainte importune