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Contre un faible vieillard, et, du haut de la nue,
Assaillir sans pitié sa tête chauve et nue ?

LE FOU.
Pour, la tête qui loge une ombre de raison,
Le meilleur couvre-chef est un toit de maison.
Il chante.
On me dit fou ; mais, sur mon âme,
Je voudrais bien qu’à mon choix on eût mis
Un mauvais gîte et la plus belle femme :
Un fou courrait droit à la dame,
Et moi je prendrais le logis.
 
LÉAR.
Oui, je veux désormais, quelque mal que j’endure,
De ce cœur ulcéré contenir le murmure ;
Oui, oui, je me tairai, j’en ai déjà trop dit.

KENT entre,
Qui va là ?…

LE FOU.
                            Vous voyez un grand près d’un petit,
Un sage près d’un fou.

KENT, au roi.
                                   C’est vous, mon noble maître !
Mon œil qui vous cherchait a peine à vous connaître ;
La nature de l’homme, en cette nuit d’horreur,
Succombe à la souffrance ou cède à la terreur.

LÉAR.
Eh ! que m’importe, à moi, ce tonnerre qui gronde !
Ce vent âpre et glacé, cette eau qui nous inonde !
De leurs coups redoublés ils m’accablent en vain,
Je ne sens que l’orage enfermé dans mon sein.
Dans une telle nuit ! Cruelle Gonérille !
Malgré le froid, la pluie !… O Régane ! ô ma fille !
Enfants pervers !… Chasser ce père infortuné !
Votre vieux père ! lui qui vous a tout donné !…