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Et de ses blancs cheveux jette au vent les débris :
Vieillard infortuné, faible roi, pauvre père,
Qui ne sait tes malheurs, qui n’a plaint ta misère !
Tu ne sens, dédaigneux des injures du ciel,
Que le trait enfoncé dans ton cœur paternel :
De tes enfants ingrats le nom est sur ta bouche.
Ton fou, le seul ami que ta fortune touche,
Jouet accoutumé de ta prospérité,
En vain à tes malheurs consacre sa gaîté.

LÉAR.
Soufflez, vents orageux ! mugis, sombre tempête !
Cataractes des deux, que rien ne vous arrête !
Fleuves, sources, torrents, débordez à la fois ;
Inondez nos cités, engloutissez nos toits !
Et vous, feux sulfureux, plus prompts que la pensée,
Frappez ces cheveux blancs, cette tête glacée,
Pourvu qu’un même coup détruise avec éclat
Ces principes féconds, germes de l’homme ingrat !

 
LE FOU.
O maître ! sans retard courons chercher un gîte ;
Vers tes filles, crois-moi, retournons au plus vite ;
Dussions-nous les prier longtemts J’aime encor mieux
L’eau bénite de cour que l’eau froide des cieux ;
Viens, ou pour tes enfants charge-moi d’un message :
Cette nuit n’a pitié ni du fou ni du sage.

LÉAR.
Grondez, noirs ouragans, redoublez vos efforts ;
De ma débile vie usez tous les ressorts !
Des célestes fléaux redoutables familles,
Grêle, foudres, éclairs, vous n’êtes point mes filles ;
Je n’ai point entre vous partagé mes États,
Et l’amour paternel ne vous fit point ingrats !
Venez, je me soumets à vos fureurs sinistres !
Mais non, de mes enfants vils et lâches ministres,
De ces perfides cœurs vous servez les desseins ;
Ah ! pourquoi leur prêter vos secours assassins