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Qui pour guider ta fuite a devancé l’aurore.
Oh ! ne pars point !

ROMÉO.
                                   Eh bien ! qu’on me surprenne ici,
Juliette le veut et je le veux aussi.
Non, ce n’est pas le jour ! la lune au front d’albâtre
Répand sur nos coteaux cette lueur grisâtre ;
Non, ce n’est pas le jour ! ce ramage joyeux
Qui dès long-temps résonne au plus haut point des cieux !
Ce n’est pas l’alouette à la voix matinale ;
L’erreur, si c’en est une, à moi seule est fatale :
Et qu’importe la mort ! Qu’en dis-tu, mon amour ?
Restons, restons encor, non, ce n’est pas le jour !

JULIETTE.
C’est le jour ! c’est le jour ! va-t’en, hâte ta fuite ;
Tu ne saurais, hélas ! t’éloigner assez vite.
Ces sons étourdissants, cette importune voix,
C’était bien l’alouette : oh ! mieux vaudrait cent fois
Entendre du hibou le ai rauque et bizarre
Que ce héraut du jour dont le chant nous sépare.
Fuis ! d’instants en instants l’horizon s’éclaircit.

ROMÉO.
Et d’instants en instants notre sort s’obscurcit.

JULIETTE.
Gardiens du court bonheur que le ciel nous envie,
Livrez l’entrée au jour et laissez fuir ma vie ;
Sous ma tremblante main, volets, entr’ouvrez-vous !

ROMÉO.
Un baiser, un adieu ! je descends.

JULIETTE.
                                                    Mon époux,
Mon ami, songe bien qu’il faudra que je meure,
Si le malin, le soir, chaque jour, à toute heure,
Je n’ai, dans cet exil, des nouvelles de toi :
Les moments sans te voir sont des siècles pour moi,