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Ont voilé de dépit leur face pâlissante,
Et de ton noir manteau, dégagée à demi,
Vérone à mes regards lève un front endormi.
Terre des souvenirs, tes colonnes antiques
Des modernes palais décorent les portiques !
Dans ces jardins pompeux, par le jour dévoilés,
Se sont réfugiés tous tes dieux exilés ;
A leurs autels, privés d’un feston idolâtre,
Le seul jasmin suspend ses étoiles d’albâtre.
 
Maison des Capulets, tes nobles possesseurs
D’un climat fortuné savourant les douceurs,
Élevés au sommet des fortunes humaines,
Ont sans doute oublié qu’il est encor des peines !
Que dis-je ! ah ! qui peut fuir le malheur ou l’amour !
Tous deux ont pénétré dans ce brillant séjour ;
J’écoute, et du matin les brises fugitives
Apportent jusqu’à moi leurs paroles plaintives.

JULIETTE.
Quoi, sitôt ! quoi, déjà ! déjà ! tu veux partir !
De l’approche du jour rien n’a pu t’avertir !
C’était le rossignol, et non pas l’alouette,
Dont le chant a frappé ton oreille inquiète ;
Crois-en, mon Roméo, ce grenadier en fleurs
Qui l’entend chaque nuit raconter ses douleurs,
C’était le rossignol…

ROMÉO.
                                    Vois-tu, ma bien-aimée,
S’étendre à l’horizon cette ligne enflammée ?
Vois-tu les traits du jour entr’ouvrir l’orient,
Les étoiles pâlir, et le matin riant
Du milieu des brouillards qui voilent nos campagnes,
S’élever radieux sur le front des montagnes ?
Il faut partir et vivre, ou rester et mourir !

JULIETTE.
Non, ce n’est pas le jour, où donc veux-tu courir ?
Le jour est encor loin ; c’est quelque météore