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LE PREMIER CITOYEN.
Oui, qu’il soit fait César !…



                                                Brutus, les entends-tu ?
Sont-ce là ces Romains que rêvait ta vertu ?
Ils fêtent du tyran la puissance bannie,
Et pour prix de sa mort t’offrent sa tyrannie !
Faut-il s’en étonner ! Non, si tu t’es flatté
Qu’ils entendraient encor le nom de liberté,
Tu t’abusais ; ce don inutile et sublime
T’a conquis leur faveur et non pas leur essaie :
Ainsi, désenchanté, sans en être compris,
Domine quelque temps ces mobiles esprits ;
Mais tournant contre toi l’arme de la parole,
Antoine va régner ; et ce peuple frivole,
Accueillant de César le souvenir banni,
Te maudira peut-être autant qu’il t’a béni.
Malheur à toi ! doué de ce souffle éphémère
Qui soulève à son gré la vague populaire ;
Tu crois la gouverner, mais plutôt que d’asseoir
Sur sa base flottante un durable pouvoir,
Tu graveras sur l’onde ou le sable mobile
De tes pensers profonds l’empreinte indélébile,
Sans que le flot l’entraîne en ses sillons mouvants
Ou que le sable fuie au caprice des vents.


Mais la scène a changé ; c’est encor l’Italie.
Sous la trace des ans énervée, amollie,
Elle a gardé du moins, à travers ses douleurs,
Ses vêtements de fête aux brillantes couleurs !
O nuit ! que sur ces bords ton ombre a de délices !
Que de fleurs à ton souffle entr’ouvrent leurs calices !
Quel parfum enrichit cet air déjà si pur !
Quel éclat dans ces feux qui peuplent ton azur !
Mais tes astres jaloux, devant l’aube naissante,