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Le fer libérateur étincelle en leurs mains.
Déjà du coup mortel la victime frappée
A baigné de son sang le marbre de Pompée ;
Bientôt de cette mort la sinistre rumeur
Soulève au sein de Rome une longue clameur,
Un trouble sans objet y fermente ; la foule
Murmure, puis se tait, s’assemble, puis s’écoule ;
Elle implore la voix qui la doit réunir
Pour apprendre s’il faut approuver ou punir.
Tel l’incendie attend, dans sa naissante rage,
Que l’onde ou que le vent l’éteigne ou le propage.
Bravez, fiers conjurés, ces flots tumultueux ;
Le poignard à la main, paraissez devant eux ;
De ce peuple indécis ne craignez point d’outrage,
Vos discours, par degrés, vont dissiper l’orage ;
Partagez entre vous ces groupes dispersés.
Autour de Cassius quelques-uns sont pressés ;
Pour entendre Brutus, tout le reste s’élance,
Il monte à la tribune, il est monté ; silence !

BRUTUS.
Amis ! concitoyens ! je vous dois compte à tous,
Et j’apporte sans peur ma cause devant vous ;
Romains ! vous me croirez, il y va de ma gloire ;
Mais songez à ma vie, avant que de me croire.
S’il reste un ami tendre à César qui n’est plus,
Celui-là l’aimait moins que ne l’aima Brutus !
Il n’est aucun de vous qui plus que moi l’honore ;
Mais si j’aimais César, j’aimais mieux Rome encore :
Il m’a fallu choisir, car tel était son sort,
Avec César, esclave, ou libre, par sa mort.
Je l’ai dit cependant, César fut un grand homme :
Il était mon ami, mais le tyran de Rome ;
J’ai dû de ses hauts faits louer le conquérant ;
Je regrette l’ami, j’ai frappé le tyran !
S’il est un cœur servile et fait pour l’esclavage,
Lui seul a droit ici de blâmer ce langage ;