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Fuis-tu de ton pays l’impérieuse voix ?
Ou, tout près d’accomplir ses rigoureuses lois,
Aux regards pénétrants d’une épouse fidèle
Crains-tu de te trahir ?… Écoutons !… il appelle…

BRUTUS.
Esclave ! Lucius !… Il dort profondément !
Eh bien, de cette paix goûte l’enchantement !
Je ne troublerai point, quelqu’ennui qui me presse,
De ton jeune sommeil la salutaire ivresse :
Nos rêves inquiets, nos projets soucieux,
N’écartent point encor ses douceurs de tes yeux,
Et de fantômes vains ton sein n’est point l’asile :
Aussi ta vie est calme et ton repos facile ;
Tu peux dormir !…

PORCIA entre.
                             Seigneur !

BRUTUS.
                                                       Porcia, vous ici ?
A l’air froid du matin, par la brume épaissi,
Votre sexe doit-il exposer sa faiblesse ?
Rentrez…

PORCIA.
N’espérez point, Brutus, que je vous laisse
Vous livrer sans relâche au chagrin qui vous suit.
Je le vois, de mon Ut il vous chasse la nuii ;
Le jour, il vous contraint d’abandonner la table ;
A toute heure, en tout lieu, sans cesse il vous accable ;
De vos sombres pensers si j’interromps le cours,
Soudain vous imposez un frein à mes discours,
Et d’un geste irrité m’ordonnez le silence.
Je me tais ; cependant ma triste vigilance,
Épiant vos secrets dans vos yeux obscurcis,
Sans les interroger partage vos soucis ;
C’est en vain que le jour ou commence ou s’achève,
A votre sombre humeur je ne vois point de trêve,
Et si vos traits comme elle étaient changés, Brutus,