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Présente aux yeux trompés par la blanche vapeur
Ces spectres, vains enfants de l’ombre et de la peur.
Le voyageur, qu’émeut ce spectacle sublime,
Demande-t-il au fleuve entraîné vers l’abîme,
Alors qu’il le contemple immobile et surpris,
S’il roule dans ses flots quelques fangeux débris ?
Non, il suit dans son cours l’imposant phénomène ;
De beautés en beautés son regard se promène,
Et sans même opposer à ses flots éternels
Les flots purs et féconds des fleuves paternels,
D’une pompe inconnue à son natal rivage
Il admire long-temps la majesté sauvage !
Telle, sous mille aspects fidèles et divers,
Reflétant les tableaux d’un magique univers,
Telle du barde anglais m’apparut l’harmonie
Alors que par degrés j’entrevis son génie.
De ces fils immortels que sous des traits humains
Il a laissé, vivants, s’échapper de ses mains,
Il semble que nos yeux aient connu le visage,
Tant la mémoire est prompte à garder leur image !
A son gré, ces récits, vaine ombre du passé,
S’animent ; et semblable, en son vol cadencé,
Au coursier merveilleux dont l’aile vagabonde
Emportait d’un seul bond Astolphe au bout du monde,
Dans son élan sublime il échappe aux regards,
Et de l’antique Rome il touche les remparts.

Tremble, César ! la nuit en prodiges féconde
En vain en ta faveur semble ébranler le monde,
Elle n’ébranle point ces cœurs audacieux
Qui cherchent en eux seuls la volonté des Dieux.
Dans cette nuit terrible, à mes yeux se présente
Du second des Brutus la figure imposante.
Brunis ! âme de Rome, honneur de tes aïeux,
Quel dessein redoutable est écrit dans tes yeux ?
Est-ce pour échapper à des pensers funèbres
Que tes pas agités errent dans les ténèbres ?