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Je croyais voir, des toits en flammes,
S’enfuir les enfans et les femmes,
Les époux tomber sous le fer,
Et, penchée au bord de ma couche,
Plus d’une fois d’un cri farouche
Je crus entendre frémir l’air.

Cependant mon âme alarmée
Voyait encor l’Europe armée
Prête à reculer devant nous :
Unique vœu, grâce dernière,
Que ma confiante prière,
Du Ciel attendait à genoux.

Peut-être ainsi durant l’orage
La simple fille du village
Allume le cierge sacré ;
Et sa foi naïve et profonde
Oppose à la foudre qui gronde
L’eau sainte et le buis consacré.

Mais l’orage dans sa furie
Redouble ! et j’ai vu ma patrie
Plier enfin son front puissant ;
Un jour j’entendis à nos portes
Le pas des lointaines cohortes
Sur le pavé retentissant.
 
Et moi, près du foyer penchée,
La tète dans mes mains cachée
Fuyant même des yeux amis,
J’essayais, dans ma triste veille,
De dérober à mon oreille
Le bruit des tambours ennemis !

Ainsi de ces jours d’épouvante
Dans mon sein l’image est vivante,