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Dans ces salons, où brille une vive clarté,
Retentissent ces airs, doux signal de la danse ;
J’écoute en soupirant leur rapide cadence.
Charme de la jeunesse, accords jadis connus,
Beaux jours de mes beaux ans, qu’êtes-vous devenus ?
Loin d’un monde orgueilleux, les fêtes du village,
Un rustique instrument et le bal sous l’ombrage,
Me donnaient des plaisirs qui valaient tous les siens :
A ses loisirs pompeux je préférais les miens.
O momens fugitifs de mon adolescence,
Qu’embellissaient la paix, l’espoir et l’innocence,
J’en atteste aujourd’hui vôtre doux souvenir,
Je ne demandais rien au douteux avenir,
Rien, que de me laisser sans regrets, sans envie,
Suivre le cours obscur d’une paisible vie !
Eh bien ! fortune, amis, espoir, j’ai tout perdu.
Quand je réclame en vain le bonheur qui m’est dû,
Vous, favoris du sort, bercés par la mollesse,
Vous osez m’étaler cet éclat qui me blesse !
Je vis dans la douleur, vous vivez dans les jeux,
Pourquoi vous plus que moi ? pourquoi vous seuls heureux !
Tandis qu’autour de vous tout respire la joie,
Que vos ombres, glissant sur ces rideaux de soie,
Décèlent vos plaisirs, moi, je souffre et je meurs.
Ah ! du moins, que mes cris, mes sinistres clameurs,
S’élèvent jusqu’à vous et troublent votre ivresse.
Frémissez à l’accent d’une voix vengeresse !
Puissent ces gais concerts, ce doux bruit d’instrumens
Se transformer pour vous en sourds gémissemens !
Qu’au fond de ces miroirs, brillans de vos images,
La Misère et la Faim de leurs pâles visages
Sur vos fronts consternés épouvantent les Ris !
Puissent sur vous enfin, peser de tout leur prix
Ces colliers, ces bandeaux, ces coûteuses parures,
Dont le luxe odieux insulte à mes tortures !
Allez, soyez maudits !... Je m’égare... Grand Dieu !
Qu’ai-je fait ! qu’ai-je dit, hélas ! et dans quel lieu !