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Et, d’un jaloux dépit l’un et l’autre vainqueur,
S’encourager de l’œil, de la voix et du cœur.
L’un, pensif et les yeux levés vers les étoiles,
Au souffle du Très-Haut abandonnait ses voiles,
Et sans presque y songer entraîné vers le port,
Il semblait dédaigneux des hommes et du sort.
Il chantait cependant, et sa harpe sacrée,

  • Qu’ombrageait mollement la palme consacrée,

Exhalait des accords ravissans, inconnus,
Mais que les cœurs souffrans ont soudain retenus ;
Ou, rivale parfois des harpes de Solime,
Le son qu’elle produit, majestueux, sublime,
Semble un soupir de l’orgue en nos temples pieux.
Poétique chanteur, peintre mélodieux,
De sa voix, qu’animait une secrète flamme,
Chaque note long-temps retentissait dans l’âme,
Et tandis qu’attirés à des accens si doux,
Les cygnes l’entouraient d’un cortège jaloux,
Lui, souriait de voir leur troupe curieuse
Suivre d’un vain effort sa trace harmonieuse.

L’autre, un pied sur la proue et le front couronné,
Semble avoir recueilli, possesseur fortuné,
La triple lyre d’or que d’une main habile
Un Grec fixa jadis sur le trépied mobile,
Et des modes divers enchaînés sous ses doigts,
A la foule charmée il impose les lois.
Il chante : à cette voix toutes les voix répondent,
Il forme un noble vœu, tous nos vœux s’y confondent,
Il redit ces doux noms : Patrie et Liberté !
Des battemens du sien nos cœurs ont palpité !
Ces mots font tressaillir sur la rive lointaine
Les échos endormis de Sparte et de Messène,
L’air s’émeut, et le flot par le flot emporté
Semble redire au loin : Patrie et liberté !
Harmonieux rivaux, couple cher à la gloire !