Page:Tastu - Poésies complètes - 1858.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

Peut-être quelques voix vous nommeront encore,
Mais vous ne serez plus qu’un bruit vague et sonore !

Non, vous ne mourrez point ; nos jours déshérités
Vainement auront vu s’éteindre vos clartés,
A ce flambeau divin si la flamme est ravie,
Un souffle généreux peut lui rendre la vie.
Peut-être, jeune Grec, c’est le tien qu’il attend
Pour briller de nouveau ! Peut-être en te quittant
Ce penser en secret préoccupait ton père !
Défiant du succès, dans sa cause il espère :
Le présent est douteux ; il te confie à nous
Comme lé germe heureux d’un avenir plus doux !
Vois d’un arbre lointain la semence féconde,
Sur d’autres bords, malgré la barrière de l’onde,
Déposer les trésors dans son sein contenus,
Et son ombre étrangère, et ses fruits inconnus !
N’es-tu point réservé pour un pareil prodige,
Précieux rejeton d’une héroïque tige,
Par de fidèles mains sur nos bords transplanté ?
Mais pour donner ces fruits qu’attend la Liberté,
Tu dois croître à l’écart, t’élever en silence.
Oui, ceux à qui le sort confia ton enfance
De ce dépôt sacré connaîtront tout le prix !
Ils ne laisseront pas le nom de Canaris
Devenir le jouet d’un engoûment futile,
Ni l’habit étranger de leur noble pupille,
Et sa grâce touchante en sa naïveté,
Amuser des salons la vaine oisiveté !
Ah ! qu’il ne quitte point les amis de son âge !
Leur cœur n’a qu’un élan, leur bouche qu’un langage ;
Et jamais leurs discours d’un voile d’intérêt
Ne cherchent à couvrir quelque dessein secret.
Enfant, reste près d’eux. Leur riante jeunesse
Egaîra de tes traits la précoce tristesse.
Autour de toi pressé, que ce peuple enfantin
Essaie en se jouant ton langage lointain ;