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Quelles leçons vaudraient l’exemple de ton père !
Et de quels tendres soins la douceur étrangère
Peut-elle s’égaler aux baisers maternels ?…
Servir la Liberté, ton pays, tes autels,
Vivre pour les chérir, mourir pour les défendre,
C’est là, surtout, c’est là ce qu’il te faut apprendre,
Et pour y parvenir il n’était pas besoin,
Jeune enfant d’un héros, de t’envoyer si loin !
Si ta noble patrie, à tes mains intrépides,
Doit confier un jour ses brûlots enflammés,
Que ne te laissait-on, pour maîtres et pour guides,
Ses hardis matelots et ses klephtes armés !
C’était assez pour toi. Leurs chants, dans ta mémoire,
De tes concitoyens auraient gravé la gloire ;
Et l’hymne des succès, du deuil ou des combats,
T’eût nommé Pharmakis, Christos, Boukovallas,
Moscho, qui tour à tour mère, épouse, héroïne,
Son enfant au bras gauche, au droit sa carabine,
Des balles dans son tablier,
Savait agir, combattre et mourir en guerrier.
Le sort n’accorda point à ces noms de la veille
De ceux des anciens jours la sonore douceur,
Qu’importe ?… Il est toujours assez doux à l’oreille
Le nom qui fait battre le cœur !

De quoi te serviront nos études frivoles,
Cet inutile amas de stériles paroles ?
De quoi te serviront ces sciences, ces arts,
Dont la clarté féconde enrichit nos remparts,
Si parmi nous, enfant, de ton âme innocente
Une haleine glacée éteint l’ardeur naissante ?
Et si ton père un jour cherche en vain dans ton cœur
Ce généreux secret qui seul le rend vainqueur [1] ?
Ah ! crains de respirer cet air qui nous oppresse ;
Fuis vers ton sol natal !… O malheureuse Grèce !
Tu souffres, mais tu vis du moins. Ici tout dort
De ce sommeil pesant précurseur de la mort.

  1. Un capitaine anglais demandait à Canaris s’il savait quelque secret particulier pour préparer ses brûlots : « Mon secret est ici, » répondit Canaris en posant la main sur son cœur.