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LA JEUNE MÈRE

Mais, en fuyant, le temps consolateur
Ne laissera dans votre âme attendrie
Qu’un souvenir qui n’est pas sans douceur.
Oui, de nos pleurs l’âge tarit la source ;
Les maux passés sont des rêves confus ;
Les ans jaloux entraînent dans leur course
Les derniers vœux de ceux qui ne sont plus.
Et toi, ma fille, à mon amour si chère,
Tu connaîtras de précoces douleurs :
Quand vainement tu chercheras ta mère,
Quelle autre main saura sécher tes pleurs ?
Ciel ! qu’ai-je dit ? Moi, de toi séparée !
Au doux aspect de tes traits ingénus,
Au son naïf de ta voix adorée,
Mes sens glacés cesseraient d’être émus !
Je ne pourrais, à l’âge où se déploie
De la raison la première clarté,
Voir à la fois, palpitante de joie,
Naître ta grâce et fleurir ta beauté !
Et, des plaisirs quand l’amorce traîtresse
Viendra s’offrir à ton cœur sans détour,
Je ne pourrai diriger ta jeunesse,
Et l’entourer d’un inquiet amour !…
Ô désespoir ! ô crainte déchirante !
De quels tourments vous aggravez mon sort !
Pour toi, ma fille, alarmée et tremblante,
Puis-je avec calme envisager la mort ?
Foi consolante ! Espérance sacrée !
Soyez l’appui de mon âme égarée ;
Dans ses terreurs venez la soutenir
Et révélez cet obscur avenir !…

Dieu ! quelle paix subite, inattendue,
À mes accents des cieux est descendue !
N’entends-je pas retentir dans les airs
Les premiers sons des célestes concerts ?
Transports sacrés de la gloire immortelle,