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Enfin, elle commence à respirer, d’abord très légèrement, puis un peu plus fort ; puis ses lèvres ébauchent le mouvement d’une personne qui a soif, ses yeux sautillent comme s’ils voulaient s’ouvrir et, petit à petit, respirant toujours des sels, elle reprend connaissance.

Après s’être un peu remise, elle me prit les deux mains, elle pleurait à chaudes larmes et dans ses sanglots elle me dit : « François, je vous en prie, donnez-moi M. de Maupassant, donnez-moi M. de Maupassant ou je vais mourir ! Je le veux ! Je vous dis que je le veux !… je ne lui ferai aucun mal, soyez-en sûr ; je vous le promets… mais donnez-le-moi », criait-elle toujours… Je la calme de mon mieux, lui promettant d’aller de suite à la recherche de mon maître… Je descendis, mais personne n’avait vu Monsieur. Je revenais près de la dame quand j’entendis ouvrir la porte, c’était mon maître qui rentrait. De suite, il me dit : « Je sais, je viens arranger cela. » Il était aussi calme que s’il se fût agi de la chose la plus simple du monde.

Dans la soirée, Monsieur, accompagné de cette dame, vint à la porte de la cuisine et, avec la plus grande aisance, comme si rien ne se fût passé, il me dit : « François, la chose est maintenant arrangée. » L’étrangère ajouta : « Oui, nous sommes maintenant bons amis… »


Le 15 mai, M. de Maupassant me prévient que le mardi suivant, il aurait à dîner quelques amis de sa première jeunesse.

Il me recommande de faire un bon dîner. « Vous mettrez les vins sur la table, je veux verser moi-même. Parmi les convives, il y aura des jeunes, des vieux, des gens mariés, des célibataires, et même des mariés de la main gauche. Tous ces amis amèneront