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dans l’île. — Eh bien, voici ce dont il s’agit ; j’arrive de Paris et j’ai fait le voyage avec Mme N… qui ne me connaît pas. Cette dame est dans un état de surexcitation extraordinaire ; à plusieurs reprises elle a sorti un revolver de sa poche et toute sa colère s’adresse à M. de Maupassant. Il n’y a aucun doute à avoir sur ses intentions ; je vais aller à la recherche du patron et le prévenir. Quant à vous, vous n’avez qu’à attendre cette dame et faites tout votre possible pour l’engager à retourner à Paris… »

Un quart d’heure ne s’était pas écoulé que la personne arrivait et, d’un ton très posé, me demandait : « François, M. de Maupassant est-il là ? — Non, madame, mon maître est à Paris. — Non, non, reprit-elle sur un ton élevé, je voulais le… »

Puis, subitement elle s’arrête, pâlit ; elle s’effondre dans le vide, je n’ai que le temps de la saisir dans mes bras pour lui éviter une chute, où elle aurait pu se blesser sérieusement. Je la porte sur une chaise longue en osier qui était dans le fond de la salle à manger. Une fois bien étendue, je lui frictionne fortement les mains, je lui applique des compresses de vinaigre sur les tempes ; rien n’y faisait. J’ai alors recours aux flacons de sels, j’en fourre un sous chaque narine par intermittence. Elle ne revenait toujours pas à elle, elle semblait ne plus respirer ; sa pâleur était extrême, je commençais à me demander si elle n’était pas morte.

Je prends peur, je vais à la fenêtre que j’ouvre toute grande pour donner de l’air, et je me disposais à appeler à l’aide, quand je me souviens qu’en pareil cas il est recommandé de desserrer la malade ; je reviens près d’elle et défais son corsage, puis j’essaye de lui faire respirer des sels en lui soulevant la tête.