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dit-il, si aucune de ces dames ne manque. Nous ne serons que trois hommes. » Un moment après, il ajouta : « Oui, neuf, elles sont neuf invitées ; mais ce qui est amusant, c’est qu’elles sont, à une ou deux près, toutes comtesses », et il se mit à compter sur ses doigts : « C’est bien cela ; excepté Mme Z… et la petite Nina, toutes portent la couronne comtale. Sûrement toutes ces titrées vont mettre en gaieté mon ami L… qui, tout en faisant résonner très fort leurs titres, ne manquera pas de leur décocher moqueries et brocarts. Mais j’espère tout de même qu’il saura garder la mesure de l’homme bien élevé. »

En effet, dès qu’on fut à table, M. L… demanda à ces dames ce qu’elles avaient fait de leurs maris et comme s’il récitait une litanie, il se mit à dire à chacune en particulier où était son conjoint, ce qu’il faisait, ce qu’il pensait, et tout le bonheur qu’il devait trouver dans ses lieux de prédilection. Tout ce que disait ce terrible M. L… paraissait tellement vrai, que, sur le moment, on aurait pu le croire sorcier, ou, au moins, le soupçonner d’avoir dû accompagner plus d’une fois les maris des comtesses dans les maisons qu’il décrivait si bien.

Cette façon de parler pouvait paraître un peu rude ; mais les nobles dames ne se démontèrent pas pour si peu, car toutes ensemble se mirent à proclamer leur indifférence pour les renseignements qu’il venait de leur détailler, mais qu’elles connaissaient depuis fort longtemps. Elles ajoutèrent que messieurs leurs maris préféraient les viandes avariées de quelques restaurants au bon rôti frais de leur maison.

Comme conclusion, elles dirent : « Vivez en paix à ce sujet, beau brun aux cheveux luisants, nous n’avons pas