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Il y avait aussi des poissons à têtes étranges avec des yeux d’argent et des moustaches aux fils tout brillants d’or. Il essayait de les appliquer au mur tantôt la tête en l’air, tantôt la queue dressée, tantôt horizontalement, pour bien se rendre compte du meilleur effet. Puis il condamne une fenêtre, dont on ferma les persiennes et les grands rideaux, une seule fenêtre étant très suffisante pour avoir du jour. On baissa même le store de cette dernière, pour atténuer le grand jour et le reflet brillant de ce bras de fleuve, où se mirait, déjà ardent, le soleil de mai. La matinée était assez avancée ; je demandai à mon maître si je pouvais aller préparer le déjeuner.

Ce nouvel aménagement nous prit plusieurs jours encore. Quand tout fut bien en place. Monsieur s’assit devant sa table, comme pour travailler ; mais comme le jour venait de côté, il ne put le supporter et se décida à rapporter sur la table du salon tous les objets dont il se servait pour travailler.

Un matin, comme j’entrais dans le salon, je le trouvais à sa fenêtre.

« Voyez, me dit-il, cette berge de l’autre côté, quand l’eau est si basse, comme elle est triste ! Avec cette boue, cela ressemble à une mare à grenouilles sans herbes ; puis ces maisons d’un blanc sale sont vraiment laides. Il est vrai que ce sont des habitations de pêcheurs. Dites-moi, à propos, je voudrais que vous vous entendiez avec un de ces pêcheurs pour qu’il me procure cent cinquante grenouilles vivantes. Je les paye dix francs… »

Ce ne fut pas long ; le lendemain, dans la matinée, le pêcheur apportait les grenouilles, seulement il n’y en avait que cent dix. Quand l’homme fut parti, Monsieur m’appela : « Aussitôt après le déjeuner, vous partirez