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s’attarder, car il s’agit de ne pas perdre de temps. Chacun a sa petite corbeille et ses deux rangées ; on met son amour-propre à finir le premier. Plusieurs fois, pendant ces petites parties, mon maître passe près de nous, il paraît presque tenté de faire comme nous.


Dans notre jardin tout est en fleur, un petit arbousier a déjà ses fruits mûrs, rouges comme des fraises.

Nous quittons le chalet fin avril après avoir subi soixante-douze secousses…

Les ordres sont donnés ; les maçons vont prendre notre place…


En arrivant à Paris, nous trouvons l’appartement bien chauffé. Piroli reconnaît bien son chez soi. Elle est surtout heureuse d’avoir retrouvé son rideau de perles et la peau d’ours qui a une odeur toute particulière, qu’elle cherche toujours à définir ; elle en gratte les poils à contre-sens, y met son nez et flaire longuement, sans doute dans l’espoir d’arriver à savoir ce que peut bien être cette énorme bête… Elle semble satisfaite et a repris tout de suite toutes ses anciennes habitudes. Il n’en est pas de même de mon maître ; il paraît déjà fatigué et ne s’en cache pas, il voit trop de monde et surtout reçoit trop d’invitations ; on ne cesse pas de le harceler.

Une après-midi qu’il était sorti, une petite charrette anglaise toute jaune s’arrête devant la maison ; il en descend une jeune dame serrée dans un costume tailleur d’un joli gris, le chapeau de même couleur. Je lui ouvre, elle me demande d’un ton bref si M. de Maupassant est chez lui. Je lui réponds : « Non, Monsieur est sorti. — Eh bien, j’entre, me dit-elle, donnez-moi de quoi écrire. »