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sentis que je perdais l’équilibre, j’allais tomber en arrière ; instinctivement je fis un effort pour me ramener en avant. Mais mes bidons de lait, que j’avais sur la tête, étaient allés tomber bien loin. » Elle essuya une larme qui lui venait au bord des yeux et ajouta : « Pour ce matin, je ne puis vous donner du lait ; c’est la faute à ce maudit tremblement de terre… »

Après avoir pris du thé, nous sommes rentrés comme des braves dans le chalet quoiqu’il eût de belles crevasses, apparentes partout. On prit le parti de laisser toutes les portes ouvertes, et de se préparer à sortir aussitôt qu’on sentirait la moindre ondulation sous les pieds.

Vers 8 heures, mon maître est prêt pour prendre sa douche. Une secousse sérieuse se produit de nouveau, mais nous ne nous sommes plus dérangés, nous étions déjà faits un peu à ce genre de surprise. En somme, nous étions indemnes et il y avait peu de chose de cassé dans la maison. Il n’en était pas de même à la villa voisine : les plafonds étaient tombés, et avaient fait beaucoup de dégâts. Heureusement, il n’y avait pas eu d’accident de personne.

L’après-midi, mon maître alla au bureau télégraphique et apprit le désastre épouvantable de Nice. Antibes était aussi bien atteint, surtout dans ses vieilles rues, mais on ne compta qu’un mort et quelques blessés.

Le soir, Monsieur nous dit que, d’après les indications de l’observatoire de Nice, il y avait tout lieu de s’attendre encore à de nouvelles secousses, mais moins fortes. Ce n’était guère rassurant pour aller se coucher. Madame déclara que, quoi qu’il arrivât, il ne fallait pas la déranger, elle ne descendrait plus pour des tremblements de terre !