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personnes au sommeil léger, c’est bien énervant. Je me renseignai pour savoir s’il n’y aurait pas moyen de modifier cet état de choses, mais j’appris que le plus proche voisin de ces chiens bruyants avait fait un procès à leur propriétaire et qu’il n’avait rien obtenu du tribunal, si ce n’est de payer les frais.

M. de Maupassant a définitivement fait son bureau de la serre, sous le plafond lumineux ; la lumière venant d’en haut lui fatigue moins les yeux, puis il y a moins de bruit que sur la rue… La table Louis XVI, ornée de cuivres, disparaissait sous le travail en train : deux nouvelles, Mademoiselle Perle et les Sœurs Rondoli, laissaient voir leurs titres ; un roman, non baptisé encore, portait une série de noms, orthographiés de différentes manières et écrits en gothique, en ronde. Tous ces travaux marchaient de front sans compter les deux chroniques par semaine qu’il donnait aux journaux.

Je me permis un jour de dire à mon maître que tant de travail à la fois devait lui fatiguer le cerveau : « Mais non, me répondit-il, je suis si bien entraîné ! Quand je suis fatigué d’une chose, j’en prends une autre pour me délasser. Cependant à partir d’aujourd’hui, j’ai résolu de supprimer de mon travail la politique qui m’ennuie. Voici mon dernier article, vous voudrez bien le porter au Figaro cette après-midi. J’y passerai un de ces jours pour prévenir ces messieurs qu’ils n’aient plus à compter sur moi pour le genre d’articles que je leur donnais. »


Le lendemain d’une superbe journée du mois de mai mon maître me fit le récit suivant :

« Hier, je suis allé faire une visite au comte Cernuschi. Son hôtel du parc Monceau est superbe et majestueux. L’intérieur ne ressemble en rien aux maisons