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extraordinaires et souvent pleines de mystère que je sentais des frissons me passer dans le dos. Elle nous avoua aussi qu’elle n’avait jamais rien mangé de meilleur que les délicieuses petites grives à la chair délicate qu’on lui servait à déjeuner chez les bandits, entre autres dans la caverne de Bellacoscia dans le maquis. Madame ajoutait : « Tous ces hommes ont toujours été pour moi d’une très grande prévenance et d’une politesse supérieure. »


De temps à autre, mon maître fait une sortie avec sa Louisette qui est sur un corps mort dans le port Aubernon (baie de la Salice). Cette barque ne pouvant servir qu’à de petites promenades, il achète le Bel-Ami afin de pouvoir faire de véritables courses le long des côtes. Ce bateau se déplace facilement pour la sortie et l’entrée des ports ; mon maître en est content. Maintenant il s’arrête peu sur le banc ; sitôt le déjeuner terminé, il descend à Antibes voir son Bel-Ami. M. Muterse, ancien capitaine de la marine, l’accompagne souvent dans ces sorties avec son nouveau bateau ; ils sont devenus par la suite de vrais amis, ayant l’un pour l’autre une très grande estime. Ce fut M. Muterse qui donna à mon maître Bernard, ce marin aussi prudent qu’avisé, souple, aux bonnes manières, matelot parfait pour la navigation de plaisance.

Mon maître, après plusieurs sorties, ne tarda pas à acquérir les connaissances pratiques indispensables pour le maniement de son bateau. Il reçut à déjeuner des personnes du monde de Cannes ; l’après-midi était consacrée à des promenades en mer sur le Bel-Ami. Une fois même il alla jusqu’à Nice.

Un jour que j’avais été porter les plaids à bord, je regardais du haut de la jetée le yacht, emportant toute la