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son deuxième dix-sept ; pour le troisième et les suivants, c’est variable. » Plusieurs fois, me souvenant de ces observations de mon maître, je constatai que notre coq donnait bien les séries de chant voulues ; donc, c’était un bon coq.


2 juin. — Mon maître me demanda de lui porter ses pistolets au tir ; il y arriva avant moi, et il tira vingt coups, sur deux cartons ; je constatai quinze mouches et cinq balles dans le blanc. Comme je lui disais : « C’est un coup brillant. — Oui, c’est bon, brillant, si vous le voulez. » Et riant, il ajoute : « Mais on ne peut pas être toujours brillant. Tenez ! vous connaissez mon ami, M. E…, il a quarante ans, il est fort comme un abatteur de bœufs de la Villette, eh bien ! dernièrement auprès de Mme X… il n’a pas été du tout brillant !… Mais j’ai assez tiré pour aujourd’hui, enlevez-moi tout cela ; je vais préparer les boules. Ces dames vont venir. »

Quelques jours après, mon maître était à son tir quand je m’entends appeler. Vite, je viens avec des balles, croyant qu’il en manquait : « Mais, me dit-il, ce n’est pas pour cela que je vous appelle. Je ne peux plus retirer cette baguette du pistolet ; voyez, elle tient vraiment fort. Nous allons tirer chacun par un bout et de toutes nos forces. » À plusieurs reprises mon maître m’envoya dans le vide, car chacun donnait tout ce qu’il pouvait. Cependant après bien des efforts, nous sommes arrivés tout de même à nos fins, mais nous avions chaud et nos mains avaient une petite danse de Saint-Guy.

Tandis qu’il rechargeait le pistolet : « Attendez un peu, François, me dit-il, je vais vous montrer que malgré les efforts que je viens de faire, je ne tremble pas. » Et, le bras tendu, tenant son pistolet, il ajouta : « Vous voyez