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de l’incendie, nous nous sommes tous mis à chanter et à danser autour de ce feu de joie improvisé et inattendu. »


Dans les derniers jours de septembre, un soir, à la nuit tombante, j’entends qu’on parle très haut dans le jardin du côté de ma caloge. Je m’avance et j’aperçois mon maître avec Marie Seize, une célébrité de la bohème locale. Je rentre aussitôt dans ma cuisine. Monsieur arrive sur mes talons, en criant : « En voilà une bonne femme ! Quel crampon ! Jamais on n’a vu rien de pareil. Figurez-vous qu’elle couchait ces années passées dans les bateaux au bord de la mer, avec son mari et ses six enfants ; la commune, pour s’en débarrasser, lui loua une baraque en bois, là-haut, en face, sur la côte. Je lui ai toujours accordé des secours, mais cette année, vraiment, elle va trop loin ! Je lui ai donné plus de vingt fois dix francs ; comme elle n’ose plus venir ici, elle m’attend à tout moment à la passée, et maintenant elle vient me dire qu’elle, son mari et ses enfants n’ont aucun vêtement pour l’hiver ; et que je dois les habiller, si je ne veux pas les voir mourir de froid ! Je lui ai donné vingt francs. Mais si elle revient vous l’enverrez promener !… »

Lorsque mon maître fut à table, il se mit à me parler de nouveau de Marie Seize : « Voyez tout de même si elle a de l’astuce ! Elle vient comme cela à la tombée de la nuit, car dans le jour elle n’oserait pas sortir ; elle n’a sur elle qu’un mauvais jupon et un corsage tout en morceaux, pieds nus, jambes nues, ses bras à l’air. Enfin, avouez qu’elle est extraordinaire et d’un sale ! Elle est répugnante ! Dans toutes ses plaintes, elle me disait :