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manteaux et leurs chapeaux à la maison. On étendait le tout sur la petite haie d’épines qui séparait la prairie du jardin et la partie était immédiatement engagée. Le joueur s’y donnait entièrement, avec une telle fougue qu’on pouvait se demander si l’auteur d’Une Vie remarquait les intonations et les propos aimables que ces dames lui envoyaient avec des « Très bien, mon cher » ; où des « Attention, mon petit » et que l’écho de la côte de Fécamp répétait lentement, mais fidèlement.


Le 26, à la nuit tombante, j’aperçois, dans le chemin de la cuisine, une grande femme poussant devant elle une brouette chargée. C’était la suppléante du magasin d’antiquités le Vieux Rouen qui apportait les achats que mon maître avait faits dans la journée.

Me désignant deux saints en bois parmi ces objets, mon maître me dit : « Voyez comme c’est bien travaillé ; ils sont fins, j’en suis très content, surtout parce que ce sont des saints d’outre-Manche, et qu’ils n’ont rien d’anglais. » Les autres objets furent placés un peu partout, mais principalement dans la chambre des étrangers ; il voulait la rendre gaie, parce qu’elle devait prochainement recevoir un ménage. Alors, avec une minutie digne d’une ménagère émérite, il prend note de ce qui manque encore dans la chambre : boîte à poudre de riz, flacons à odeur, glace à trois faces pour se coiffer, pelote à épingles. « J’achèterai cela cette après-midi, dit-il. Il y a bien un sous-main, avec papier, plumes et buvard ? Oui. C’est très bien !… »

La première personne qui occupa cette chambre, à laquelle il avait donné tous ses soins, fut une jeune américaine, auteur de plusieurs romans publiés en