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semble sur les montagnes, au grand air libre et pur, je nous revois sur le haut du mont Revard, quand mon maître, du bout de sa canne, me montrait les montagnes de Suisse, m’indiquait où se trouvaient Chamonix, Zermath et le mont Rose.

Je me souviens aussi que c’est là qu’il me dit, avec un accent embarrassé qui trahissait un regret inavoué, que ce voyage de Suisse avait contribué à rompre un mariage projeté. Tout de même, s’il s’était marié, il aurait eu une toute autre destinée ! Cette femme qu’il devait épouser, je la connais, elle est d’une intelligence supérieure. Sans nul doute, elle aurait su retenir son mari, lui épargner bien des fatigues. Non seulement mon pauvre maître ne serait pas paralytique, destiné à finir ses jours dans une maison de santé, il serait devenu le plus grand producteur littéraire de son temps. En outre, ce qu’il aurait donné se serait tellement approché de la perfection ! Un jour je faisais part de cette impression à M. le docteur Blanche. Il me répondit : « Guy de Maupassant était trop artiste pour se marier ! » Sur le moment, je pensai : Le docteur a peut-être raison. Mais après avoir réfléchi, quand je me rappelai combien mon maître était bon, sensible aux suggestions du cœur, je conclus que la femme qui l’aurait pris par la délicatesse, par la noblesse des sentiments aurait fait de lui ce qu’elle aurait voulu…

À quoi bon ce retour en arrière ? On n’échappe pas à sa destinée. Celle de M. de Maupassant fut fixée par une simple rencontre où se décida son avenir au moment où il allait suivre la voie commune.

En rentrant de notre promenade, nous passons devant les volières, qui renferment toutes sortes d’oiseaux. Ici, c’est Baron qui s’entretient avec mon maître de tous ces animaux qui l’intéressent. Il s’entend très bien à ces