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Pourtant, nous avons un fossé avec des cailloux dans le fond comme à la villa, nous avons même, en plus, un lavoir et une citerne non couverte dans le jardin, et jamais nous n’avons vu un de ces insectes redoutables.


1er janvier 1892. — Dès 7 heures, mon maître est levé, je lui monte son eau chaude pour sa toilette, car nous devons prendre le train de neuf heures pour aller chez Madame, mais il éprouve de la difficulté pour se raser. Il me dit qu’il a un brouillard devant les yeux, et que pour le moment il ne se sent pas en état pour se rendre chez sa mère. Je lui viens en aide du mieux que je peux. Il prend deux œufs et son thé ; cela le remet, il se sent mieux. J’ouvre alors la fenêtre toute grande, l’air et le soleil pénètrent à flots dans la chambre.

Le courrier arrive ; il lit quelques lettres, de bons souhaits, toujours les mêmes, me dit-il. Puis les matelots arrivent et Monsieur descend pour les recevoir. J’entends ces hommes prononcer les formules banales qu’on répète chaque année. Mais ici au moins, s’il y a redite, les souhaits de ces braves gens avaient un accent d’inimitable sincérité, on sentait qu’ils s’adressaient à l’homme, au bon maître, qu’ils aimaient, sans arrière-pensée d’intérêt. Je vins à mon tour serrer la main à mes compagnons de terre et de mer.

Il est 10 heures, Monsieur me demande si je suis prêt à partir, « car, ajoute-t-il, si nous n’y allons pas, ma mère va croire que je suis malade ». Nous prenons le train. Pendant le parcours, M. de Maupassant regarde la mer par la fenêtre ; elle est belle et bleue sous un ciel très pur, avec un bon vent d’Est. Il me fait remarquer que ce temps ensoleillé serait admirable pour tirer une bordée. Puis, tout au spectacle, il me demande de par-