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il les levait trop haut ou les posait trop vite. Il s’était plaint à moi déjà de cette difficulté à se mouvoir.


Le 28, comme d’habitude, nous allons à Nice déjeuner chez Madame ; il ne se passa rien de particulier si ce n’est que mon maître ne souffla mot au retour de la maison à la gare, et que le soir même, dans sa chambre, il ne me parla que pour les nécessités du service.


29 décembre, 5 heures du soir. — Mon maître se met dans son bain. Au même moment arrive son ami le docteur Daremberg. Je l’avertis que M. de Maupassant vient d’entrer dans sa baignoire ; il me répond sur un ton très gai : « Cela me laisse froid, j’ai autant de plaisir à voir Maupassant dans l’eau que dans son salon. » En entrant dans la salle de bain, il lui crie : « Ne sors pas tes mains de l’eau, mon vieux ; le cœur y est, pas de protocole entre nous ! Comment vas-tu ? » Deux rires sonores se croisent dans le vide de cette salle sans meubles.

Quand ce joyeux compagnon partit, je l’accompagnai jusqu’à la porte du jardin et voici à peu de chose près le langage qu’il me tint : « Votre maître est d’une complexion très forte, mais il est atteint d’une maladie qui ne ménage pas le cerveau. Eh bien, il vient de me faire le récit de son voyage en Tunisie avec une facilité incroyable, citant les dates, les noms des personnes vues, sans chercher, sans une hésitation. Tout cela lui vient spontanément, sans peine ; il m’a parlé comme quelqu’un qui n’a rien à craindre d’ici longtemps. Donc, patience et courage, mon bon François. »


Le 30 décembre, nous avons au-dessus des montagnes de l’Estérel et sur toute la partie Ouest du ciel une