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dit-il, avoir trouvé un sujet de pièce qui ferait bien leur affaire et aussi celle de la Comédie, et c’est pour avoir leur opinion sur mon idée que je les ai invités aujourd’hui chez moi. Eux sont sérieux, je puis leur soumettre quelque chose en toute confiance. »

Il faisait allusion, dans ces paroles, aux déconvenues qu’il avait eues précédemment avec des gens de théâtre. Certains littérateurs lui ont souvent reproché de ne pas avoir voulu suivre leurs conseils en s’orientant vers ce genre de production ; ils multiplièrent les efforts pour vaincre son semblant de parti pris contre le théâtre, mais beaucoup d’entre eux ignoraient que mon maître n’avait pas toujours eu à se louer de ce monde de la rampe. En 1886, il avait fait une pièce en trois actes. Il s’était d’avance bien mis d’accord avec la personne qui devait tenir le principal rôle. Il connaissait son talent et son genre, il avait arrangé tout particulièrement sa pièce pour elle. Les rôles furent imprimés et distribués, le moment de répéter arriva. Cette dame posa alors des conditions que le directeur du théâtre ne pouvait accepter : elle demandait par soirée une somme qui dépassait la moitié de la recette moyenne. Mon maître offrit d’abandonner totalement ses droits d’auteur pour arriver à satisfaire l’étoile intransigeante. Mais rien n’y fît et l’affaire ne put aboutir ; la pièce resta dans les cartons.

Mon maître me disait à ce propos : « Je ne déplore cette rupture que pour cet excellent Raymond Deslandes. Il est si parfait gentilhomme, il a mis tant de bonne volonté en cette affaire ! Et pour arriver à échouer, c’est bien ennuyeux pour lui. Pour moi, cette déconvenue m’éloigne du théâtre, je retourne au roman, à mes contes et nouvelles. En somme, c’est ce que je