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c’est une invitation de S. M. la Reine, conçue en termes les plus flatteurs. Monsieur va y répondre par une acceptation ; il paraît tout joyeux à l’idée de voir de près cet intérieur de souverains. Il me dit, avec un bon rire, qu’il espère bien que « ces gens » avaient suivi le progrès, rejetant aux antipodes les préjugés sur la défense des ablutions quotidiennes du corps.


25 novembre. — Mon maître est allé hier à Rouen inaugurer le monument de M. Flaubert. Ce matin, il regarde la maquette en plâtre qui a servi à faire l’œuvre définitive et qui représente les traits de son père littéraire. Mais il ne paraît pas satisfait : « Vous avez vu, me dit-il, le temps froid et gris que j’ai eu pour mon voyage ? Je ne sais pourquoi, mais de plus en plus il m’est désagréable de m’entretenir avec des gens que je n’estime pas. » Nous accrochons le médaillon en plâtre au-dessus d’une porte, à l’intérieur du salon.


La température de Paris est pénible, quand on a pris l’habitude des pays chauds ; mon maître, même avec sa fourrure, a une sensation de froid, de sorte qu’il se voit obligé de prendre des voitures pour faire ses visites, ce qui l’ennuie beaucoup. Il aime tant marcher ! Il accepte encore quelques dîners en ville, mais fuit les soirées, dont les lumières éblouissantes lui fatiguent les yeux. Enfin il restreint le plus possible ses sorties du soir, et se repose. Il ne lit même pas ; il vient de temps à autre jusqu’à la porte de la cuisine, quand il a dîné.

À l’une de ces visites, il me dit : « Nous avons en France quarante ou quarante-deux mille fils de famille, et il est très rare qu’un d’eux essaye de sortir de la classe des purs oisifs, cela par paresse. On a tranché la tête à