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promenèrent le plus ; elles finirent par échouer dans la serre.

Puis, Kakléter apporta les rayons de la bibliothèque. C’était le meuble qui me faisait le plus plaisir. J’allais pouvoir ranger ; il n’y aurait plus de livres par terre, le long des murs et autour des pieds de table ; le bureau pourrait être un peu moins chargé. J’en éprouvai un vrai soulagement et je m’empressai d’aider mon maître à poser les livres sur les planches au fur et à mesure qu’il les classait.

L’installation terminée, mon maître demanda au tapissier de lui envoyer son compte immédiatement.

« On respire mieux ici, me disait-il, en se promenant dans l’appartement et en jetant un coup d’œil partout. Ce Kakléter est joliment robuste ; quand il frappe sur un clou, il retient le marteau, pour ne pas le briser… Ces têtes d’anges, qui pèsent soixante-dix kilos, il les a fixées en les tenant à bout de bras, et il va très vite, c’est un ouvrier très habile. Ce que j’admire par-dessus tout, c’est son calme, car je dois reconnaître que je lui ai donné bien souvent l’occasion de s’impatienter et jamais il n’a laissé voir l’ombre d’humeur. Mon ami, M. M…, qui me l’a indiqué, a fait là une vraie trouvaille. Il s’y entend, du reste. Si vous voyiez son petit rez-de-chaussée comme c’est coquettement arrangé ! Son cabinet de travail est entièrement tendu d’une étoffe vert tendre un peu bleuté, très doux à l’œil et d’un très joli effet. »

Il ne restait plus à exécuter que les peintures de la salle de bains ; mon maître remit ce travail à plus tard, « pour sa première absence ». Il ne pouvait supporter l’odeur de la peinture, et encore moins les peintres, qui lui avaient volé, disait-il, rue Dulong, une épingle de cravate et une jolie bague venant de son grand-père.