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C’était dur ; pourtant, Monsieur ne semblait nullement fatigué, il y allait de tout cœur. »

Je pensai que ce brave homme avait bien gagné un second verre.

Il partit en disant : « Maintenant, je n’aurai jamais peur en mer avec M. de Maupassant. »


Une nuit, vers deux heures du matin, j’entends mon maître qui m’appelle : « Venez, j’ai mis le feu à ma chambre ; en frottant une allumette, le soufre a sauté sur les rideaux de lit qui ont tout de suite flambé. » J’accours avec un tablier bien mouillé devant moi, un autre sur ma tête, je lance des brocs d’eau sur le lit qui était tout en feu ; les rideaux et la moustiquaire étaient déjà consumés. Je demande à mon maître de me passer de l’eau, mais en posant le grand broc en porcelaine sur l’évier il le casse. « Ne vous brûlez pas, me dit-il, j’ai mon manuscrit, le reste est de peu d’importance. »

La porte d’entrée de la chambre brûlait ; les portières en jute de l’escalier avaient aussi flambé, on parvint à les arracher ; nous eûmes la chance que les vitres des fenêtres résistèrent, et qu’il n’y eut pas de courants d’air pour activer l’incendie. À force d’eau, je pus devenir maître du feu… Alors, naturellement, les pompiers arrivèrent et achevèrent de démolir le reste du lit et des meubles.

Mon maître alla passer deux jours à Monte-Carlo. À son retour, il trouva sa chambre réinstallée, mais il constata avec peine que plusieurs objets, auxquels il tenait, avaient été détériorés, entre autres quelques vieux livres, ses dictionnaires et un sous-main en cuir ancien. Il se remit au travail, mais avec moins d’entrain ; il se levait plus tard.