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de tons ; la dorure des portes et des glaces a disparu sous les étoffes. L’ensemble est d’un bon goût parfait et donne à mon maître un beau salon.

La salle à manger n’a que des meubles anciens ; sur les murs, il a placé quelques tableaux et des plats de vieux Rouen. C’est très bien. Cette salle prend jour par une grande baie vitrée, qui donne sur l’avenue, d’où l’on aperçoit le pont de l’Alma et, bien en face, dans le ciel, s’élance la tour Eiffel, que Monsieur n’admire pas beaucoup, sauf lorsqu’il se produit des orages. Il s’intéresse à voir les serpentins électriques courir le long de ces enchevêtrements d’échelles de fer. Il reste parfois longtemps à sa grande fenêtre, comme il l’appelle, pour regarder ce phénomène et tout ce qui se passe dans ce grand espace qu’on a devant soi. Ici, mon maître a un appartement parfait : salle de bains et de douches, salle d’armes et cinq pièces en plein ciel, au Midi, toutes indépendantes. En laissant ouvertes toutes les portes qui se trouvent placées en enfilade, il peut faire une marche de 22 mètres en ligne droite. C’est un rêve pour lui qui aime tant marcher en travaillant.


18 mai. — J’ai, depuis quelques jours déjà, installé la garçonnière de mon maître, ici, tout près, dans le bas de notre rue même, et, malgré cela, il reçoit ici une femme. Voilà pourquoi la mise en place des rideaux de sa chambre était si pressée !

Comme c’est singulier ! Je la connais à peine, cette femme ; en entrant, elle prononce seulement le nom de M. de Maupassant, et, sans me regarder, comme un automate, elle entre au salon. Ni ce jour-là ni les jours suivants, Monsieur ne me dit mot du passage à la maison de cette presque inconnue.