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cette vie de misère, les choses agréables passent vite, et cette bonne tranquillité ne fut pas de longue durée. Toutes les nuits montait des sous-sols un fracas qui aurait sans peine réveillé un sourd. Alors, on fit démarches sur démarches près de l’architecte qui avait loué cet appartement à mon maître. On ne put rien obtenir de raisonnable. Il fallut agir par les voies de droit. Le 18 décembre, Monsieur se vit octroyer par le tribunal la nomination d’un expert qui devait passer une partie de la nuit dans l’appartement pour procéder à un constat.

Pour introduire l’expert sans éveiller les soupçons des concierges et du boulanger, mon maître donna un dîner auquel cet homme de loi fut convié. Il n’eut donc qu’à rester un peu plus tard que les autres invités pour se rendre compte des bruits nocturnes qui faisaient trépider la maison jusqu’au sixième étage.

Architecte de la Ville de Paris, il me parut un homme distingué et d’un tact parfait. La conversation, pendant le dîner, fut agitée, troublante même, pour quelqu’un qui y assistait, comme moi, sans y prendre part. Plusieurs causes contribuèrent à la passionner. D’abord les conditions différentes des personnes présentes, et aussi, sans doute, l’atmosphère d’inquiétude engendrée par l’épidémie d’influenza que nous subissions, et qui fut si meurtrière. Tout le monde était impressionné et les systèmes nerveux les mieux établis se troublaient.

Il y avait là plusieurs médecins ; leur science, à propos de cette épidémie, fut très discutée, contestée assez vivement. Les docteurs se défendirent crânement, mais ils ne furent pas les plus forts.

Une de ces dames, avec une logique documentée à propos et vraiment déconcertante, leur donna le