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fois ces chefs-d’œuvre, on ne les oublie jamais tant ils vous impressionnent.

Mon maître me demanda alors si j’avais vu la Femme du Titien, je lui répondis que non : « Eh bien ! Je vous la ferai voir », me dit-il. Il ajouta : « Depuis longtemps, je me propose de visiter tous ces musées de la Belgique et de la Hollande ; lorsque je ferai ce voyage, je vous promets de vous emmener. »

Le lendemain vers 10 heures, nous fûmes au musée et nous admirâmes le Titien dont il avait été question ; puis nous visitâmes quelques antiquaires, à la recherche des bibelots rares. Mon maître en acheta quelques-uns. Il y avait là de bien belles choses, mais auxquelles il ne trouvait pas tout l’art souhaité. Cela ne valait pas un de ces beaux tableaux des galeries célèbres qu’à aucun prix il ne pouvait avoir, malgré son désir de le posséder.

Au cours de nos promenades errantes, nous atteignîmes la piazza della Signoria ; en face de nous était la loggia dei Lanzi. Mon maître me fit voir et admirer un moment l’Enlèvement de la Sabine, puis Hercule terrassant le centaure Nessus, de Jean de Bologne.

Nous rentrâmes déjeuner, porteurs de nos quelques bibelots ; mon maître paraissait très satisfait de sa matinée. « Comme tous les chefs-d’œuvre que l’on voit dans cette ville vous grisent ! s’écria-t-il. Cette forêt de choses d’art me séduit et me prend tout entier. Dans la joie que j’éprouve, je crois pénétrer l’âme de ces anciens artistes, exaltant leur poésie à travers leurs rêves, dans leurs travaux si parfaits. »


Aujourd’hui 22 octobre, mon maître va beaucoup mieux. Cette indisposition qui lui a fait garder la chambre pendant quelques jours paraît terminée. La fenêtre