Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ensuite il demanda aux matelots quelques renseignements sur les pays d’Extrême-Orient.

Le soir, nous sommes tous sur le pont, le bateau marche à peine, Bernard est à la barre et mon maître est assis près de lui.

Tout à coup, il dit, surpris : « Tiens, on entend une musique ! » C’était vrai, on entendait des sons harmonieux venant de la côte italienne. Cela avait une douceur inexprimable. On aurait cru rêver, ainsi bercés sur ce bateau entre le ciel et l’eau, tant le charme était grand en cette nuit calme ; la mer était comme une nappe d’huile, d’un bleu foncé. Mon maître, ravi d’avoir entendu cette musique lointaine, disait : « Ce ne serait pas surprenant que quelque baleine vînt se promener par ici, la musique les attire, et il est étonnant que cette bête, aussi douce que grande, soit si sensible aux sons harmonieux. » Quelques heures plus tard, des cachalots souffleurs passaient près de nous, en faisant à la surface de l’eau un bruit de tempête.

Le lendemain nous mouillions à Port-Maurice. Monsieur alla faire un tour à terre et, en revenant, il me dit : « François, ce bourg n’a rien de beau, ni de riche. J’ai voulu changer cent francs et j’ai dû prendre le tout en monnaie. Il n’y a pas d’or et, comme nous passerons encore ici la journée de demain, je vous prierais d’aller jusqu’à Monte-Carlo me chercher de l’or, ce sera plus commode pour le voyage. »


12 septembre. — Nous voici en vue de Gênes. Nous franchîmes l’avant-port. Là, nous dûmes remettre notre patente de santé avant de pouvoir entrer dans le port du commerce. « Voyez, François, me dit Monsieur, quel magnifique port ! — Eh bien ! je lui préfère