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dure. Au-dessus, il y a la route de la Corniche qui est ravissante à parcourir. »

Quelque temps après, nous passions devant la pointe della Mortola et Bernard annonça que nous quittions les eaux françaises. Le soir venu, il mit les feux à leur place et prit ses dispositions pour la nuit. Il fut convenu que je veillerais avec Raymond jusqu’à 2 heures du matin et qu’ensuite Bernard et le pilote prendraient le quart.

La deuxième journée de navigation fut moins chaude, la brise s’étant maintenue. Notre maître, après le déjeuner, prit la barre. Nous pûmes alors prendre notre repas sur le pont à l’avant, à l’ombre de la voile.

Notre déjeuner achevé, les voiles étaient suffisamment gonflées par le vent et notre petit navire-bijou courait gentiment sur la mer bleue. Aussi se sentait-on très bien ; la poitrine se dilatait et les poumons aspiraient avec délice cet air si pur. En un mot, c’était le vrai paradis sur l’eau.

Chacun voulait parler, dire quelque chose et, à la vérité, le fond de toutes les conversations revenait à vanter cette charmante vie de bord qui avait déjà fait de nous tous une famille improvisée. Oui, n’en doutons pas, les amitiés, la camaraderie, la vie de famille que l’on mène à bord d’un bateau resserrent vite ces liens. On dirait que l’homme, sentant le néant complet autour de lui, a besoin d’amitiés et, instinctivement, fait tous ses efforts pour y parvenir.

Nous étions tous réunis sur le pont ; pour passer le temps, on se mit à raconter des histoires. Le pilote, étant le plus âgé, parla le premier ; il nous conta dans son langage pittoresque, mélangé d’italien et de français, l’histoire très curieuse d’un naufrage sur les côtes de la Sicile. Puis, ce fut le tour de Bernard. Il nous détailla