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extra-lucide ; Mme R…, experte en l’art de la chiromancie, pendant toute la durée de la fête distribuait des prédictions aux dames.

« Ah, mon pauvre François, m’avoua-t-elle après la séance, il était temps que cela finît, car ma chaise et ma personne auraient abouti à ne faire qu’un. Enfin, on n’a rien sans peine et je me suis tout de même amusée aux dépens de ces grandes dames. La plupart d’entre elles croient ce que je leur ai dit, je vous l’assure ; c’en est renversant ! »

Il était l’heure de se mettre à table. Tous les intimes de la Guillette étaient là, et, en plus, quelques amateurs qui avaient aimablement prêté leur concours à l’organisation de la fête. À cette fin de journée, tout le monde s’amusa beaucoup et se répandit en bons mots que se renvoyaient ces gens d’esprit avec la rapidité des balles de tennis dans une partie bien engagée. Malgré tout, mon maître n’avait pas ce soir-là toute son ampleur de gaîté ordinaire. La fête avait bien marché, c’est vrai, mais on sentait qu’il aurait voulu mieux.

Le lendemain, il vint à la cuisine faire tourner la carte du ciel, qu’il délaissait depuis quelque temps, et il me dit : « Cela s’est très bien passé, mais comme c’est ennuyeux de ne pas être complètement clos pour ce genre de divertissement ! Vous avez vu, autour des haies et assis sur la côte, tout ce monde ? Je suis sûr qu’il y avait bien quinze cents curieux… Si j’avais une très grande maison et une propriété bien fermée, je ferais mieux, soyez-en sûr. »

Et il m’expliqua son plan qui ne me parut pas irréalisable. Il termina en me disant : « Cette fois, ce ne serait pas douze ou quinze personnes que vous auriez à faire coucher sous le même toit, mais quatre-vingts ou cent. »