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rerez tout ce dont nous aurons besoin pour deux mois ; nous partirons la semaine prochaine pour Cannes et, à notre retour, nous irons habiter chez mon cousin L…, dans un appartement plus confortable. Ici, je suis trop à l’étroit, je ne respire pas. »

Mon maître prit le rapide. Je suivis en express. À la gare d’arrivée, un commissionnaire m’attendait avec un mot de ralliement.

Mme  de Maupassant et son fils, M. Hervé, occupaient un joli appartement.

Mon maître en loua un avec une belle vue sur la mer, très gai, en plein soleil. Il fut convenu dès les premiers jours que sa mère et son frère dîneraient tous les jours chez lui. Sa vie devint plus calme. Il travaillait de 9 heures à midi, puis il faisait sa toilette et déjeunait.

Trois fois par semaine, il allait, l’après-midi, tirer au pistolet chez un ami, avec d’autres amateurs.

Un matin, un monsieur moustachu, aux allures bizarres, se présenta pour voir M. de Maupassant. Je lui dis que Monsieur n’était jamais là le matin. Il écrivit alors quelques mots sur sa carte et en me la tendant, il se mit à rire, tous les poils de sa figure hérissés ; on eût dit une vraie brosse.

Mon maître travaillait et pour rien au monde je ne l’aurais dérangé ; je ne connaissais que la consigne. À midi, je lui remis la carte. Il la lut à haute voix, et dit : « C’est bien, j’irai cet après-midi. »

Le lendemain ce monsieur vint déjeuner avec sa femme, nous le revîmes plusieurs jours de suite. Il parlait beaucoup, semblait savoir beaucoup de choses, et se répandait sur une foule de pays en de tels racontars que le monde en paraissait tout rapetissé. Il proposa à mon maître de fonder à Cannes un cercle qui devien-