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ouverte. Dans la prairie à droite, juchés sur des tonneaux, des musiciens coiffés d’énormes chapeaux, habillés de blouses bleues très longues, si longues qu’on ne voit pas leurs pieds, semblent ne faire qu’un avec le fût qu’ils surmontent. Ils accueillent les invités en soufflant, de toute la force de leurs poumons dans leurs instruments, un Ça ira retrouvé par mon maître dans les cartons de musique de son grand-père : « Ce morceau, disait-il, et les costumes des musiciens sont bien de la même époque. » Les échos des dernières notes s’étaient perdus dans la falaise qu’il arrivait toujours du monde. Le jardin et le carré normand présentaient alors un coup d’œil ravissant avec toutes ces belles personnes aux jolies toilettes fraîches, aux couleurs chatoyantes. Mais ce qui primait tout, c’était la grande gaîté de la réunion.

Lorsque toutes les présentations furent faites. Monsieur, aidé de quelques intimes initiés, organisa une danse monstre dans la prairie. Tout le monde y participait. Je vois encore mon maître… Il tenait une dame de chaque main, il s’en donnait à cœur-joie ; il se trémoussait et entraînait ses danseuses. Quant à elles, elles riaient tellement que s’il ne les avait pas bien tenues, elles seraient tombées. De temps en temps une de ces dames perdait un soulier et c’étaient alors des cris et des rires qui arrivaient à couvrir le son des instruments.

On passa ensuite au jeu de la bascule, que des pompiers amateurs exécutaient sur la mare, où l’un d’eux tomba et s’immergea à fond.

Puis, ce fut le Crime de Montmartre, scène vécue devant laquelle tout le monde défila. Ce crime était représenté dans le fond d’un couloir où régnait un demi-jour propice à la chose… Le tableau avait été